576 millions d'euros, c'est le montant estimé des pertes causées, chaque année en Europe, par les maladies respiratoires dans le secteur de l'élevage bovin. Il va donc sans dire que la prévention de ces pathologies constitue un enjeu primordial en vue de freiner l'apparition d'épidémies et de limiter les coûts associés.
Analyse de l'air expiré en une demi-heure seulement
Pourtant, à l'heure actuelle, les maladies infectieuses respiratoires des animaux sont rarement détectées à temps.
« Aujourd'hui, lorsqu'un bovin paraît malade, l'éleveur appelle son vétérinaire, qui exerce souvent loin de son exploitation »,
constate Fanny Turlure, cofondatrice et CEO de nawu diagnostics. « Une fois sur place, le praticien effectue un prélèvement via un écouvillon, puis l'envoie à un laboratoire d'analyses, ce qui nécessite un certain délai. Et si le résultat l'impose, le vétérinaire peut être amené, une nouvelle fois, à se déplacer pour administrer un traitement. »
Une méthode invasive, chronophage et coûteuse, qui est donc loin d'être systématiquement employée par les éleveurs.
À l'inverse, la start-up nawu diagnostics, créée en ce début 2025, propose une solution de diagnostic innovante et non invasive, grâce à un « laboratoire de poche ». Le dispositif est composé d'un lecteur portable et autonome (fonctionnant sur batterie), dans lequel il suffit d'insérer une carte microfluidique. L'utilisation – par un vétérinaire ou, à terme, directement par un éleveur – est alors simple : l'appareil, positionné devant l'animal, capte l'air expiré par ce dernier et en extrait un échantillon qu'il va ensuite analyser afin d'identifier d'éventuels pathogènes.
« Le résultat est fourni au bout d'environ une demi-heure, contre 48 à 72 heures pour une analyse classique »,
avance Fanny Turlure.
Collecte électrostatique et microfluidique embarquée
Derrière cette facilité d'utilisation se cachent des innovations développées au CEA-Leti depuis 20 ans de R&D et protégées par huit brevets. Ces travaux ont ainsi permis de réunir trois modules au sein d'un consommable peu encombrant.
« Le premier consiste en une collecte électrostatique des aérosols de l'air par "effet corona" »,
détaille Joao Trabuco, cofondateur et CTO de nawu diagnostics. « Ce procédé innovant permet de coller les particules sur une membrane, sans avoir besoin d'une pompe, et de récupérer aussi bien des bactéries que des virus. »
Passé cette étape, il faut ensuite préparer l'échantillon. Pour cela, des vannes, dans la carte microfluidique, sont actionnées par effet de la chaleur, libérant une solution venant éluer (ou décrocher) l'échantillon collecté sur la membrane. On obtient ainsi une solution de 150 µL, très concentrée en particules, qui est ensuite chauffée, pour permettre d'accéder au matériel génétique.
« De cette façon, le processus ne requiert aucune intervention humaine, ce qui limite la variabilité et le risque de contamination »,
note Fanny Turlure.
Le matériel génétique obtenu est alors amplifié et analysé, à l'aide de la méthode LAMP (Loop-mediated isothermal AMPlification), « cousine » isotherme – donc plus rapide et moins énergivore – de la désormais célèbre PCR (Polymerase Chain Reaction).
Aujourd'hui, le prototype de nawu diagnostics est capable de détecter deux pathogènes responsables d'infections respiratoires : le virus de la bronchiolite et le coronavirus. Ce nombre sera porté à sept ou huit au lancement du premier produit de l'entreprise, prévu pour fin 2027, qui s'adressera aux élevages bovins et dont le développement sera soutenu par une levée de fonds en cours. Puis, les filières aviaires et porcines seront ciblées, avec une détection couvrant jusqu'à douze pathogènes bovins, avant la mise au point d'une solution pour le diagnostic de maladies chez l'être humain.
Le projet a bénéficié du dispositif Magellan, le parcours interne CEA de soutien à la création d'entreprise ainsi que d'un financement Carnot, qui a permis de tester l'outil sur le terrain, en élevage bovin.
Une collaboration fructueuse à travers le projet inter Carnot AIDAV mené par le Carnot France Futur Elevage (F2E) porté par INRAE et l'Institut Carnot CEA-Leti a permis d'accompagner et soutenir l'émergence de la start-up nawu diagnostics.
Crédits : A.Lapras/nawu diagnostics